Par intervenant > Malogne-Fer Gwendoline

Enjeux de pouvoir et jeux de catégorisation ethnico-religieuses au sein du protestantisme français
Gwendoline Malogne-Fer  1@  
1 : Groupe Sociétés, Religions, Laïcités  (GSRL)  -  Site web
CNRS : UMR8582, École Pratique des Hautes Études [EPHE]
Site Pouchet 59-61, rue Pouchet 75849 Paris, cedex 17 -  France

Les médias, l'opinion publique et parfois les chercheurs en sciences sociales insistent sur la dichotomie qui existerait au sein du protestantisme en France entre d'une part une protestantisme luthéro-réformé incarnant l'ancrage historique français et d'autre part, un protestantisme évangélique, qui serait représenté majoritairement par des personnes originaires d'Afrique ou des Antilles. Ces logiques de distinction intra-protestantes s'inscrivent dans un ensemble d'oppositions binaires implicites ou explicites qu'il conviendrait de questionner : protestantisme intellectuel versus protestantisme émotionnel ; protestantisme institutionnalisé versus communautés indépendantes autorégulées ; protestantisme libéral œcuménique versus protestantisme évangélique prosélyte etc. Cette distinction intra-protestante passe sous silence les protestants évangéliques métropolitains (baptisme, librisme, de nombreuses assemblées de Dieu), les protestants africains et d'Outre-mer qui ne sont pas de sensibilité évangéliques et/ou charismatiques. Cette distinction prend comme cadre d'analyse exclusif la France métropolitaine et omet de rappeler l'importance sociale et parfois politique des autorités religieuses notamment protestantes au sein des collectivités, départements et territoires d'outre-mer.

Cette segmentation du paysage protestant français soulève plusieurs questions qui permettront de mieux cerner les enjeux institutionnels en cours liés au recoupement partiel entre sensibilités protestantes et catégories« ethniques ». La première est liée à l'appellation des églises regroupant, en France métropolitaine, majoritairement des personnes originaires d'Afrique, des Antilles ou de La Réunion : parmi les appellations en cours, « églises de migrants » « églises issues de l'immigration », « églises de la diversité » aucune ne semble convenir. L'analyse du projet Mosaïc chargé de faire le lien entre les églises établies et celles dites issues de l'immigration constituera le second axe de cette intervention en montrant comment la fédération protestante de France tente à travers ce projet de concilier deux objectifs a priori contradictoires : représenter l'ensemble des courants du protestantisme auprès des pouvoirs publics (et pour ce faire créer un service chargé de faire le lien avec les églises indépendantes) tout en insistant sur la distance – à la fois culturelle, linguistique et religieuse – qui séparerait les églises « nouvellement implantées » des églises protestantes « établies », ces dernières étant présentées comme les seules capables de nouer des relations de confiance avec les autorités politiques. La pénurie des lieux de culte notamment en région parisienne permettra dans un troisième temps de prendre la mesure des discriminations en cours au sein du protestantisme français : si la plupart des églises réformées et luthériennes sont propriétaires ou affectataires des lieux de culte, de nombreuses églises évangéliques sont à la recherche de lieux de culte et louent parfois au prix fort des salles ou des temples le dimanche après-midi.


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