Par intervenant > Cissé Blondin

Mystique du développement et idéologies négro-africaines
Blondin Cissé  1@  
1 : Université Gaston Berger de Saint-Louis (CRAC)  (Civilisations, Religions, Arts et Communications)

Notre intention dans cette communication est de monter comment les idéologies négro-africaines ont revendiqué la revalorisation de la personnalité africaine en investissant l'univers sacré du Négro-Africain, c'est-à-dire ses cosmogonies, ses mythes et ses croyances pour obtenir une adhésion quasi-sacrée des masses africaines autour de leurs idées, voire autour de la personnalité. Qu'elles soient donc issues du projet d'imposer et de légitimer un ordre ou du sentiment de frustration, de rejet de la colonisation et de l'occidentalité, du désir d'impulser le développement socio-économique et politique du continent africain, les différentes idéologies négro-africaines mobiliseront toujours les masses africaines dans le sens de leurs croyances et sentiments véritablement enfouis en elles. C'est dans une telle optique qu'il faudrait inscrire ce qu'on a appelé la « voie africaine du socialisme » ou « socialisme africain ». Celui-ci, en tant qu'idéologie socio-économique et politique va mettre en chantier une mystique destinée à obtenir l'adhésion totale des masses africaines pour le développement de leur continent. Autrement dit, il s'agit de trouver des justifications, des thèmes essentiels, des buts exaltants, des idées-force suffisamment puissantes, à structures émotives, qui réveillent les masses et facilitent l'action[1] ; d'où une mystique du développement. Au désir de s'affranchir de la vision européocentriste et impérialiste du développement pour trouver une voie africaine et originale qui intégrera toutes les dimensions de l'être-au-monde-de- l'homo-africanus, dans une logique de progrès politique, économique et socioculturel, va se greffer la volonté de déterminer une renaissance culturelle à partir de l'héritage traditionnel méconnu et bafoué pendant l'esclavage et la colonisation. La réhabilitation de la race et l'affirmation d'une identité négro-africaine spécifique, où la force des croyances spirituelles et religieuses occupe une place fondamentale, constituera un élément fondamental dans ce dispositif dont l'originalité est la préservation de leurs conceptions de l'homme et de l'univers (Animisme) tout en assimilant les religions étrangères (Christianisme et islam) dans leurs cosmogonies.

Mais il sera moins pour les théoriciens du « socialisme africain » de mettre l'accent sur la préservation des « religions » traditionnelles africaines, de penser leur syncrétisme que d'affirmer le caractère sacré des tâches pour développement politique, économique et social du continent africain en mobilisant une mystique sacrée. En cela réside la spécificité du champ négro-africain où le concept de religion tel qu'il s'identifie à une aire historico-civilisationnelle précise – le terme n'a pas d'équivalent dans les autres cultures et recouvrait d'abord la seule réalité représentée par le christianisme - englobe peu ou prou des Weltanschauungs appartenant à d'autres civilisations.


[1] Cf. Louis-Vincent Thomas, Le socialisme et l'Afrique, Paris, Présence Africaine, t2, p.38.

 


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