Par intervenant > Aupiais-L'homme Armand

Pentecôtismes et ethnicité. Une comparaison France-Turquie
Armand Aupiais-L'homme  1, 2, *@  
1 : Unite de recherche migrations et sociétés  (URMIS)  -  Site web
Université Paris VII - Paris Diderot, Université Nice Sophia Antipolis (UNS), Institut de recherche pour le développement [IRD] : UR205
URMIS - UFR sciences sociales - Université Paris-Diderot - Case 7027 - 75205 Paris Cedex 13 -  France
2 : Institut français d'études anatoliennes  (IFEA)  -  Site web
MIN AFF ETRANG, CNRS : USR3131
Nuruziya sok. n° 22 PK 54 80072 BEYOGLU -  France
* : Auteur correspondant

Le but de cette communication est de proposer des bases pour la comparaison des ancrages locaux d'Églises pentecôtistes transnationales dans les contextes français et turc, à partir de l'analyse des relations interethniques internes aux Églises et de leur inscription dans des rapports ethnico-religieux plus macro-sociaux. Nous présenterons des données recueillies sur deux terrains : à l'Église Universelle du Royaume de Dieu, à Paris, ou les descendant-es de migrant-es socialisé-es en France sont massivement présents ; et à l'église The River At Istanbul, fréquentée principalement par des migrant-es africain-es et moyen-orientales-ux. Deux axes seront abordés : la structuration « ethnique » du travail religieux dans les organisations pentecôtistes, et leurs prises de position par rapport aux États et aux sociétés d'ancrage française et turque.

1. Nos observations ont révélé la centralité de l'usage des catégories ethno-nationales dans le travail religieux des Églises Universelle et River. La segmentation interne des fidèles en plusieurs publics, par l'administration de cultes qui réunissent des personnes selon leurs ressources linguistiques, met en œuvre un système de hiérarchies étroitement lié aux systèmes de catégorisation hégémoniques de leur société d'ancrage. Dans les deux cas, les acteurs religieux tendent à reproduire et/ou à questionner les catégories faisant sens commun dans la société dominante et qui traduisent leur expérience quotidienne : le statut administratif de non-national-e, qui prive tout ou partie du droit de cité dans la société d'inscription, et des catégories ethniques, qui englobent les migrant-es et leurs descendant-es. Sur les deux terrains, des mécanismes d'ethnicisation des hiérarchies des Églises nous sont apparus : promotion relative des français d'origine angolo-congolaise, ou des Türkmen d'Iran, dans les hiérarchies formelles ; contention des haïtiens dans les hiérarchies informelles, ou apparition de hiérarchies parallèles.

2. Il semble que l'adhésion au pentecôtisme et l'activité missionnaire constituent, pour des populations exposées à la racisation, un mode de dépassement de leur stigmate de « couleur ». En allant à la rencontre des majoritaires, pour leur « parler de Jésus » et de son « amour », l'évangélisation permet de transcender ce stigmate. Ce travail missionnaire peut aussi constituer une prise de position par rapport à la société majoritaire et à l'État. Bien qu'elles ne soient nommées ni dans la loi de séparation des Églises et de l'État en France (1905) ni dans le traité de Lausanne (1923), ces textes accordent des droits aux minorités (ethnico-)religieuses de l'époque et prennent difficilement en compte les Églises pentecôtistes. À travers leurs discours, sorties dans l'espace public, voire leur participation à la contestation sociale, ces Églises prennent position par rapport au contrôle des expressions religieuses : dispositifs juridiques anti-« sectes », en France, et anti-« mission » en Turquie ; et elles développent des stratégies d'effacement ou de retournement du stigmate. Au-delà de leur contestation de la morale laïque, elles entretiennent également des frontières par rapport à l'Islam : adhésion au mythe de l'islamisation de la France, contestation de l'islamisme politique en Turquie ; et articulent ces discours à une volonté d'évangélisation et de régénération morale de territoires considérés comme les anciennes terres d'une chrétienté mythifiée, aujourd'hui déchristianisées.

Nous partons de l'hypothèse que l'objectif missionnaire d'évangélisation des populations majoritaires, considérées comme incrédules, passe par la division de la communauté de foi en sous-groupes ethnicisés de valeurs inégales. Ces processus d'ethnicisation, bien que contextualisés et originaux, seront donc comparés pour mieux saisir l'articulation entre identités religieuses et ethniques dans les églises pentecôtistes.


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