L'umbanda, religion afro-brésilienne extrêmement malléable et caractérisée par un processus de réadaptation permanent, voit sa pratique changer chaque jour et son panthéon se recomposer selon de nouvelles logiques, à l'heure de la transnationalisation des religions afro-brésiliennes et des technologies de l'information et de la communication. Nombreux sont les travaux en anthropologie sur le processus d'adaptation des cultes afro-brésiliens aux spécificités de la culture où elles sont intégrées en Europe. Toutefois, aucune analyse approfondie n'a encore été consacrée à la circulation des images pieuses participant de cette dynamique de transnationalisation, à leurs transformations, leurs usages et effets sociaux, notamment en ce qui concerne les relations interraciales.
La réflexion apportée ici propose de contribuer à combler ce manque à partir de travaux de recherche en cours et d'interrogations qui relèvent pour la plupart de prospections. Il sera question par cette présentation d'interroger les dynamiques de racialisation et déracialisation à l'œuvre dans les pratiques de l'umbanda au Portugal, en étudiant les modes de figuration des entités noires qui composent le panthéon umbandiste, pretos-velhos et saints catholiques noirs. Ces entités noires sont mobilisées par les pères et mères de saint dans leur « travail spirituel » et prennent part à la composition des autels dans les terreiros – lieux de culte – au Portugal. Qu'en est-il de leur présence dans ce pays fortement marqué par le catholicisme et par de nouvelles formes de racisme, pays qui est aussi l'ancienne puissance coloniale ?
Du fait les relations interraciales se donnent à voir de différentes façons selon le contexte et les pratiques appréhendés, il s'agira de se demander si l'on se trouve en présence d'une mise en avant d'une spécificité noire et ainsi d'une racialisation volontaire dans et de l'umbanda telle qu'elle est pratiquée au Portugal, ou si à l'inverse cette spécificité se trouve passée sous silence. Compte tenu de l'usage accru des sites internet et des réseaux sociaux permettant aux membres des terreiros de se donner à voir en tant que communauté de vie et spirituelle dans une tentative de réappropriation de l'image de soi longtemps rendue publique au Brésil de manière dégradante, le rôle joué par les TIC et la circulation des images sur le net dans les nouvelles figurations des pretos-velhos et saints noirs sera au centre de l'analyse. À ce titre, l'approche retenue privilégiera les images pieuses réappropriées et produites par les umbandistes au Portugal. Ainsi seront posés les premiers jalons visant à comprendre les dynamiques de racialisation et déracialisation quand l'umbanda se pratique en-dehors du territoire brésilien, dans un nouveau contexte où les enjeux socio-politiques définissent autrement le jeu des rapports interraciaux.