Cette communication entend se focaliser sur les modes d'infériorisation de la religion musulmane dans le contexte français à deux moments spécifiques : de la fin des années 1980 au milieu des années 1990 d'une part et dans la première moitié des années 2000 d'autre part. Ces deux modes d'infériorisation de l'islam seront appréhendés à partir des positionnements individuels et collectifs d'acteurs associatifs musulmans nés et/ou socialisés en France, âgé entre 25 et 35 ans au début des années 2000.
Alors que les pratiques religieuses musulmanes à la fin des années 1970 commenceaient à être prises en compte par les pouvoirs publics (Circulaire Dijoud 1976) - dans le même temps qu'elles accompagnaient les politiques de « retour » vers les pays d'origine - l'islam des descendants d'immigrés des années 1990 se trouve taxé dans les discours publics (média, responsables politiques) de multiples renvois à une extranéité synonyme d'une potentielle menace intérieure. La mise en œuvre d'un ensemble de mesures de contrôle des lieux de culte musulmans, de surveillance des militants associatifs, de développement de suspicions généralisées à l'égard des « attributs » de l'islamité - comme l'usage de la langue arabe - ont favorisé l'interdiction de l'affirmation concomitante de l'appartenance à l'islam et de la citoyenneté française par les descendants d'immigrés originaine d'Afrique du Nord musulmans. Pris dans cet enclavement, les acteurs associatifs musulmans n'ont d'autres choix que celui d' « exister » dans le regard de l'autre : voir leur parole étouffée, apporter la preuve de leurs efforts pour « franciser » leur religion, ou adopter une attitude vaindicative.
A la fin des années 1990 et au début des années 2000, le lancement de la Grande Consultation des Musulmans de France et la mise en place du Conseil Français du Culte Musulman sont concomitants de la création d'un consensus dans l'espace public français autour de la lutte contre les discriminations (D. Fassin : 2006). Cependant, attribuer à l'islam le statut de culte « reconnu », ou encore aux acteurs associatifs musulmans, le statut de véritables « alliés » politiques, implique la convocation d'un processus de mise aux normes en prenant appui sur les canons de l'Eglise catholiques ou encore sur l'évaluation des capacités réformatrices de l'islam selon les canons de la théologie de la libération. Cette mise aux normes s'effectue en prenant appui sur l'émergence d'un « corps intermédiaires » de religieux ou d'intellectuels.
Alors que dans les années 1990, le pôle négatif (G. Althabe : 1985) qui désigne l'islam inacceptable se construisait à partir de la convocation d'une extériorité radicale, perturbant une prétendue homogénéité nationale, appréhendant les musulmans comme une entité homogène, c'est à partir du caractère « conditonnel » de son intériorité que l'islam est appréhendé au début des années 2000, attribuant aux individus la tâche de s'assimiler aux valeurs « républicaines ».