« L'islam, première religion carcérale » : retour sur les impensés ethnicisants d'une évidence publique
Claire De Galembert  1@  
1 : Institut des Sciences sociales du Politique  (ISP - CNRS / ENS Cachan)  -  Site web
École normale supérieure (ENS) - Cachan, CNRS : UMR8166, Université Paris X - Paris Ouest Nanterre La Défense

On ne peut être que frappé par la contradiction de plus en plus saillante entre l'invocation récurrente d'une grammaire républicaine religious blind et le foisonnement des références au nombre des musulmans dans la société française. Que la statistique publique, bridée par le principe de laïcité ne soit pas habilitée à effectuer des comptages prenant en considération la variable ethnique ou religieuse n'empêche nullement les dénombrements et mises en chiffre y compris par des personnalités officielles. Loin d'échapper à ces décomptes, la prison est une des cibles privilégiées de ces mises en nombre. Les détenus musulmans ont fait dans le discours public une percée fulgurante. A peine évoqués au début des années 1990, ils représenteraient aujourd'hui selon ce qu'avancent certains médias et les estimations proposées entre 50 et 80 % de la population carcérale. Quels que soient les écarts entre les chiffres avancés, dont l'amplitude ne suscite d'ailleurs guère de débats, tout le monde s'accorde depuis les années 2000 pour conférer à l'islam le rang de première religion carcérale. A défaut d'être en mesure de valider sur le plan statistique ce que est aujourd'hui de l'ordre de l'évidence publique, au moins peut-on s'interroger sur ce qui se joue derrière cette labellisation/catégorisation d'une bonne partie de la population pénale comme « musulmane » et des effets de cette rhétorique du chiffre . La question mérite d'autant plus d'être posée qu'elle est restée pour l'heure largement en friche et qu'elle véhicule un certain nombre d'attendus implicites racisants qui gagnent à être explicités.


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